Il est nécessaire de remonter les annales de l'histoire jusqu'à Sébastien LE PRESTRE DE VAUBAN (1633-1707), nommé Commissaire des Fortifications en 1678, pour mieux comprendre le passé de notre rivière - puisque notre rivière a aussi son histoire.

Par le traité de Worms en 1634, Louis XIII obtient la maîtrise de la plupart des villes alsaciennes et de Brisach. Par contre, lors du retour de la paix, la France devra évacuer toutes ces garnisons de la rive gauche du Rhin . Brisach a vu son importance s’accroître à cette époque puisque Louis XIV a créé la « ville neuve de Brisach » sur la rive gauche du Rhin. Mais avec la fin de la guerre de la Ligue d’Augsbourg marquée par la signature du traité de Ryswick-Bas le 30 octobre 1697, Louis XIV devait céder aux HABSBOURG la ville de Brisach et démolir les fortifications de la ville neuve de Brisach, à l’exception du Fort Mortier .

Cette ville forteresse devint ainsi un point névralgique pour la France qui craignait que les Impériaux utilisent ce point de passage pour traverser le Rhin et porter la guerre en Alsace. Cette prévision détermina le Roi de France à charger VAUBAN de construire un nouveau site qui protégerait la province. C'est ainsi que le 6 septembre 1698, la construction du site de Neuf-Brisach fut ratifiée par le Roi de France.

La démolition de la « ville neuve de Brisach » ne couvre qu’une part mineure des besoins en matériaux nécessaires à la construction du nouveau site. Il fallut donc chercher des pierres de tailles et du bois de charpente ailleurs, en l’occurrence le secteur de Rouffach et Pfaffenheim en particulier. Aussi, pour amener au chantier le grès des carrières de Pfaffenheim et le bois des forêts vosgiennes on creusait un canal depuis la butte de Pfaffenheim jusqu'à Neuf-Brisach, en passant par Rouffach. Des régiments stationnés dans ce secteur furent mis à contribution pour le creusement d’un canal long de 23 kilomètres en 6 mois de temps. Le transport des matériaux par voie navigable trouvait sa justification dans l'économie financière que présentait ce mode d'acheminement.
Ce fut l'entrepreneur de construction REGEMORTE qui traça l'itinéraire du "canal de Rouffach" qui reliait Pfaffenheim à Neuf-Brisach.Dans le mémoire transmis par Jean-Baptiste Regemorte à Vauban, « on apprend notamment que le canal commence entre le Bill et Hattstatt, contourne la butte à l’Est de Pfaffenheim (le Bill). Il passe sur l’Ohmbach par un pont-canal, puis sur la Lauch, prend la direction de la ferme du Lycée agricole avant de s’enfoncer dans la forêt du Niederwald. Il passe sur la Vieille Thur (canal des Douze moulins) puis bifurque vers Oberhergheim, passe au-dessus de l’Ill et va vers Weckolsheim et Neuf-Brisach. Cette partie est encore visible. Au départ le canal était creusé sur 2 mètres de profondeur, après la Lauch il est contenu entre deux digues et ne s’enfonce que de 30 à 50 centimètres. Le canal nécessitait une emprise de près de 40 mètres de large. De chaque côté, un chemin de halage servait aussi de digue, de 5m. de large en son sommet. De chaque côté, une rigole récupérait l’eau perdue par le canal pour la restituer en aval. Comme il fallait passer par-dessus 4 rivières, pas moins de 15 écluses avaient été érigées, comportant un déchargeoir de 6 mètres de large en prévision de moulins ».

Ce canal devait être alimenté par les eaux de la Lauch et du lac du même nom. Lors de la mise en service du canal, REGEMORTE constata une perte importante d'eau due à un sol composé de gravier et de sable. Pour y pallier l'entrepreneur tira une rigole en ligne droite, du Quatelbach à Ensisheim jusqu'à Oberhergheim où elle rejoignait le "canal de Rouffach".Le canal entra en service en juin 1699. Il avait une longueur de 115.000 pieds (36,8 kilomètres).

Les eaux du canal aboutissaient initialement à l'Ouest de Neuf-Brisach dans des fossés perméables qui furent rapidement l'objet d'épidémies. Afin de supprimer ces désagréments on allait creuser, entre avril et mai 1701, une rigole jusqu'à notre rivière d'Urschenheim qui passait à l'Est de Widensolen. Notons que le projet prévoyait initialement que cette rigole dite "rigole de Widensolen" devait rejoindre la Blind entre Andolsheim et Wihr.

Le "canal de Rouffach" allait être partiellement comblé pour des raisons stratégiques en 1701, après la déclaration de guerre de Louis XIV à l'Empire Germanique qui voulait le trône d'Espagne. La rigole provenant du Quatelbach à Ensisheim fut dès lors élargie afin d'apporter de l'eau en quantité suffisante aux besoins de la place de Neuf-Brisach. Le tracé actuel du cours d'eau partant d'Ensisheim, passant par Oberhergheim, Weckolsheim, Neuf-Brisach, Widensolen et Urschenheim, pour aller se verser dans la Blind à Jebsheim, n'a plus varié depuis 1701. Par contre la partie du "canal de Rouffach" a totalement disparu entre Pfaffenheim et Oberhergheim.

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